jeudi 5 septembre 2019

La nature morte

La nature morte désigne un genre pictural dont le sujet principal est la composition d'éléments inanimés... Des objets : vaisselle, outils, livres, jeux ; des aliments : gibiers, fruits ; des éléments issu de la nature : fleurs, racines, coquillages, insectes, ossements ; etc.

Les objets sont peu présents dans la peinture médiévale.

Ce n'est qu'à la renaissance qu'ils font leur apparition, dans la peinture flamande. Ils ne sont pas le sujet principal, mais aident à dresser un portrait psychologique des personnages par leur valeur symbollique. Ils mettent en également en valeurs les capacités techniques du peintre.
Voir le cours sur La Renaissance et le nord de L'Europe


Le Prêteur et sa femme par Quentin Metsys (1514, huile sur bois – 71x68)

C'est au XVIIe siècle que le genre "Nature morte" connait son apogée. Les peintres sont particulièrement attentif au rendu réaliste des objets. Les sujets se diversifient.
Le Caravage, Corbeille de Fruits 1597.

Un genre particulier de nature morte se développe au 17e siècle : la vanité.

 Philippe DE CHAMPAIGNE, Allégorie de la vie humaine, 1646.


L’une des sources d’inspiration est le thème de saint Jérôme dans sa cellule : autour de lui, les livres symbolisent les spéculations intellectuelles, tandis que le crâne, la bougie et le sablier rappellent que l’homme de chair n’est rien en face du temps. 
Les objets sont choisis pour évoquer la vie terrestre, ses plaisirs et ses excès, le temps qui passe, la fragilité ou la destruction inéluctable de la matière, la brièveté de la vie, la mort par la présence d’un crâne. 
L’inscription dans le tableau telle "Vanitas vanitatis et omnia vanitas" ou une formule analogue oriente la réflexion sur la vanité des choses de ce monde.

Au XVIIIe siècle les vanités disparaissent peu à peu, au profit des bouquets de fleurs et corbeille de fruits. Le peintre Jean-Baptiste Siméon CHARDIN demeure le plus grand maître du genre. Il cherche le réalisme, traduit le volume et la lumière par une touche légère, parfois rehaussée de pastel.

Jean-Baptiste-Siméon CHARDIN, Fleurs dans un vase, 1760.

Durant le XIXe siècle, le genre poursuit sa quète de réalisme. La touche s'élargie, au profit de la couleur et la lumière.
Edgard MANET, L'asperge, 1880.

Au XXe siècle, la nature morte connait un nouvel intérêt, notament avec le travail des cubistes qui choisissent de restituer la réalité de l'objet par l'assemblage et le collage de différents échantillons lui faisant références.
P. Picasso, Guitare partition et verre, 1912.


Le POP-ART s'emparera à son tour des objets, îcones de la société de consomation !


A. Warhol, Three Coke Bottles, 1964.







Petit lexique pour la compréhension des natures mortes :

ALLÉGORIE : sens symbolique des représentations (le sablier évoque l’écoulement du temps, la fleur la fragilité de la vie, le crâne la mort humaine…). Dans d’autres genres, l’allégorie est souvent la représentation d’une idée abstraite (une saison, un sentiment, une vertu ou un vice, la République, la Justice…) par un personnage ou un animal et des emblèmes (le printemps par une jeune fille, la République par Marianne, la Justice par une femme à la balance…).

ANAMORPHOSE : effet visuel qui existe depuis la Renaissance italienne (XV° siècle), né des recherches sur la perspective ; image artistique cachée ou déformée grâce à un principe optique ou mathématique et qui ne peut être perçue d’une façon normale qu’à partir d’un point de vue particulier et peut parfois donner l’illusion d’être en 3D.

HYPERRÉALISME : capacité des artistes contemporains (XX°-XXI° siècles) à représenter le réel avec une exactitude troublante ; en peinture, la représentation s’inspire d’une photographie et l’imite avec une telle minutie que le tableau semble être une photographie ; [en sculpture, les formes imitent le corps humain (souvent moulés sur lui)  dans ses moindres détails (résine imitant la couleur de la peau et des veines, vrais vêtements et accessoires, perruque…)].

MIMÉSIS : art de représentation et d’imitation du réel, jusqu'à donner l’illusion optique du réel.

MODELÉ : détails du volume donnés par les creux ombrés et les pleins lumineux (illusion en peinture, réalité en sculpture).

OMBRES : ombres propres : ombres sur l’objet (la chose ou la figure), dues aux creux (formes concaves) (ex : ombre du creux du menton ou des yeux sous l’arcade sourcilière) ; ombres portées : ombres de l’objet (la chose ou la figure) sur d’autres éléments que lui (ex : ombre de la figure humaine sur la table, le mur ou le sol) ;  ombres autoportées : ombres sur l’objet (la chose ou la figure) dues à des éléments proéminents de l’objet (la chose ou la figure) lui-même (ex : ombre du nez sur la joue, ombre de l’anse sur le sac).

PERSPECTIVE : ensemble de codes plastiques donnant, sur un support en deux dimensions, l’illusion d’un espace profond par la superposition des formes (masquage), la réduction progressive de leurs dimensions et de leur netteté avec l’éloignement (perspective géométrique ou linéaire) mais aussi par le refroidissement et le blanchiment de leurs couleurs (perspective aérienne ou colorée) (ex : représentation d’un paysage).

RACCOURCI : effet visuel utilisé dès l’Antiquité qui, du fait d’un point de vue particulier, tend à exagérer la perspective par la réduction d’un élément perpendiculaire au plan du support (ex : bras tendu en direction du spectateur).

RENDU DES MATIÈRES: virtuosité technique du peintre à rendre le détail, la couleur et la texture de la matière, voire ses reflets. Un citron pelé permettra de montrer alternernativement la peau satinée du fruit jaune, la blancheur mate de la peau inférieure et la brillance de la chair. Le peintre fait voisiner des objets ou des choses de matières très différentes, claires ou sombres, mates ou brillantes, opaques ou transparentes : plat en étain ou en argent, objet en verre, table de bois, fleurs et fruits secs ou frais, coquillages ouverts et fermés, viandes et poissons, pains et vins, nappe de tissu blanc plissée et relevée pour dévoiler une table de bois ou de pierre, livres ou feuilles de papier…

TROMPE-L'OEIL : illusion donnée au spectateur par les artifices d’une peinture (forme, couleur, lumière, espace), ses dimensions, son emplacement, ses effets 3D (ex : fausse porte ou fenêtre, fausse façade de maison).

VANITÉ : peinture de nature morte apparue au XVII° siècle ; le mot « vanité » qualifie ce qui est vain, illusoire ; la Vanité est une nature morte symbolique au message moral et religieux rappelant à l’homme que tout sur terre est éphémère (ne dure pas, meurt, disparaît) et qu’il doit se détourner des nourritures terrestres (corps, richesse, possession, pouvoir) et se préoccuper des nourritures célestes (âme, religion, morale, résurrection).
Dans ces tableaux figure un ensemble d’emblèmes, d’objets et de choses : un premier groupe représente l’inutilité des biens terrestres, attributs du savoir et du plaisir (instruments, objets d’arts, vin, mets…) et la représentation du pouvoir et de l’argent (pièces, or, armes, bijoux, couronnes, sceptres…) ; un deuxième groupe d’objets symbolise l’écoulement du temps et la fragilité de la vie terrestre (sablier, horloge, bougie, bulles de savon, fleurs, insectes, coquillages…) parfois en présence d’un crâne ou d'ossements humains.